Vivre en communauté : les coopératives d’habitation en Catalogne
BIOGRAPHIE :
Carles Baiges Camprubí est architecte de l’ETSAB-UPC (Barcelone) et titulaire d’un master en sociologie urbaine de l’Universiteit van Amsterdam. Il est l’un des membres fondateurs de la coopérative des architectes Lacol, à Barcelone. Lacol a reçu plusieurs distinctions, dont la catégorie émergente du Prix d’architecture contemporaine de l’Union européenne – Mies van der Rohe Awards 2022, et a été sélectionné aux biennales d’architecture de Venise (2016, 2021), Buenos Aires (2017) et Saint-Sébastien (2019). La Borda a également été récompensée aux Prix européen pour le logement collectif, l’European Responsible Housing Awards et au World Habitat Award.
PRÉSENTATION:
Les coopératives d’habitation sont des promotions auto-organisées par leurs utilisateurs pour accéder à un logement décent, non spéculatif et axé sur sa valeur d’usage, à travers une structure collective. Bien que les premiers projets de cohabitation aient commencé il y a quelques années, on trouve actuellement en Catalogne 61 projets (en cohabitation ou en construction) avec plus de 1000 logements. L’engagement en faveur d’un modèle communautaire antagoniste aux promotions étatiques ou privées a permis de surmonter certaines des principales limitations imposées aux projets architecturaux. Dans le premier cas, la peur du futur utilisateur, totalement inconnu, rend
impossible l’introduction de changements qui pourraient affecter le mode de vie standardisé. Dans le deuxième cas, des logiques de marché s’imposent qui médiocrisent le logement pour faciliter son assimilation à un objet de consommation. L’innovation du processus de promotion
a été essentielle pour pouvoir travailler sur l’architecture au-delà de sa formalisation.
Auto-promotion
Les membres de la coopérative, et futurs utilisateurs, sont ceux qui dirigent, contrôlent et développent l’ensemble du processus de promotion à travers une structure interne qui favorise leur participation directe avec des comités de travail et une assemblée générale mensuelle. La coopérative ne dispose que de l’appui d’équipes techniques spécialisées dans les tâches que ses membres ne peuvent entreprendre seuls. L’implication des futurs usagers est l’une des plus grandes singularités et potentialités pour le développement du projet architectural puisqu’elle est la grande inconnue de tous les projets d’habitat collectif, et devient le point de départ du projet. La participation active de l’utilisateur est intégrée à toutes les phases : conception, construction et gestion du bâtiment. Le futur habitant participe à la conception collaborative de l’ensemble du bâtiment à travers des ateliers thématiques qui permettent de tirer parti de l’intelligence collective du groupe humain et d’être coresponsable des décisions du projet. Ces processus augmentent la sensibilisation et la formation et stimulent le sentiment de communauté et d’appartenance.
Droit d’usage et de propriété collective
La coopérative est propriétaire de l’immeuble, construit sur un terrain public, et concède le droit d’usage du logement à ses membres, regroupés en unités d’habitation. Grâce à ce modèle de propriété alternatif à la propriété privée, la valeur est accordée uniquement à l’usage du logement, et non à sa valeur d’échange sur le marché, afin d’éviter les utilisations spéculatives. Le fait de placer la valeur d’usage et de collectivité au centre a conduit à penser le bâtiment comme une infrastructure ouverte où l’usage lui-même est ce qui finit par façonner l’architecture au fil du temps, et s’adapte à l’évolution de la communauté et aux besoins changeants des utilisateurs. La gestion de l’immeuble est assurée par la communauté elle-même.
La vie communautaire
L’objectif est de promouvoir des formes de coexistence plus communautaires qui valorisent les relations interpersonnelles entre les résidents à travers des espaces communautaires et établissent des liens de coopération dans le domaine du travail domestique et des soins, rendant visibles les sphères privées de la vie quotidienne. Contrairement aux immeubles multifamiliaux classiques qui ont tendance à se réduire à des espaces de circulation, ces projets disposent d’espaces de vie partagée. On y trouve des cuisines collectives, des espaces polyvalents, des chambres d’hôtes, des laveries, des parkings à vélos, des ateliers, des espaces de coworking, des terrasses extérieures… Ces espaces communautaires ont une triple fonction. D’une part, équiper le bâtiment d’espaces de rencontre où valoriser la relation entre les utilisateurs et générer des espaces entre l’espace public extérieur et l’espace plus intime des habitations. Économiser également des ressources, en veillant à ce que certaines infrastructures ne doivent pas être multipliées pour chaque foyer, mais puissent être centralisées, améliorant ainsi la durabilité économique et environnementale. En même temps, ils permettent d’augmenter considérablement la surface utilisable pour tous les membres, leur permettant de profiter de beaucoup plus d’espace avec la même surface totale et le même coût que dans un développement
conventionnel.
Durabilité
Les coopératives privilégient la création d’un bâtiment ayant le minimum d’impact environnemental, tant dans sa construction que dans sa durée de vie utile. La stratégie initiale des projets de réduction de la demande énergétique est d’optimiser le programme, en renonçant au stationnement souterrain, en collectant les services et en réduisant la surface des habitations. Au niveau de la conception, le maximum de paramètres bioclimatiques sont introduits pour obtenir un bâtiment très passif, avec des solutions qui impliquent une action active des utilisateurs dans la gestion climatique de leur maison. Le résultat est une consommation d’énergie quasi nulle, et donc un confort dans les maisons avec un coût associé minimal.