Instrumenter
Présentation du domaine d'étude
Mêlant pratique et approches théoriques, le domaine souhaite inciter les étudiants à explorer le champ large de l’architecture et sa polarité avec l’art, en suivant des pistes croisées, pour s’intéresser à sa mise en perspective en tant que dispositif, protocole, acte critique et discours. Ainsi, ces pistes mèneront, d’une part, vers l’expérimentation de processus de préhension et d’appréhension, de fabrication, depuis la mise en narration du projet, sa matérialisation et sa mise en scène. A ce titre, ces investigations sont vouées à éclairer la face cachée de l’architecture, celle rarement explicitée ou prise en compte, faite de controverses et de détournements.
Instrumenter, ce verbe permet d’analyser à travers un prisme critique comment l’architecture incite à des actions et prises de position, comment elle peut être transformée en étendard ou en slogan, ou comment elle est parfois piratée au service d’idéologies souterraines.
L’instrument est à la fois un outil dans sa forme matérielle, et un schème, en tant que procédé plus abstrait. C’est un entre‐deux au sein duquel se joue l’articulation entre le champ pratique des problèmes techniques et le plan théorique des solutions possibles et des perspectives, des visions du monde qui gouvernent nos intérêts dans une temporalité et une spatialité données.
Les appareils en tant qu’instruments matériels protéiformes permettent cette articulation entre hétérogénéités substantielles et toutefois complémentaires, tantôt physiques et virtuelles, archaïques et avancées, etc. Ces dispositifs avancés participent à la production d’une pensée architecturale opérante au regard de la complexité du monde, par la diversité des appareils engagés au sein des protocoles de conception.
Le domaine d’étude est constitué d’architectes, de plasticiens et d’historiens qui entendent travailler à travers différents médiums. La conceptualisation abstraite, sa traduction fictionnelle et fonctionnelle, l’ancrage territorial, tous ces procédés – supposant à la fois un regard critique, une exploration analytique, une investigation technique et artistique, un questionnement politique et idéologique – offriront aux étudiants la possibilité de penser de manière complexe l’architecture en tant que projet, pratique et engagement.
La réflexion menée par le faire est au centre des pratiques revendiquées. Le domaine accorde une place essentielle aux divers médiums matériels et visuels tels que les productions graphiques et plastiques, les films, les maquettes, prototypes et installations, réévalués en permanence par la verbalisation et l’écriture. Les itérations du faire au dire, des mots aux choses, permettent des approches parfois initiées spontanément, parfois conscientisées en amont, mais résolument commutatives.
Ainsi chaque étudiant pourra développer son propre projet, sa propre narration afin de consolider sa pensée architecturale, tout en expérimentant la pensée complexe ouverte à l’hétéronomie disciplinaire et à une diversité des modes d’expression. Cette dynamique conduira les étudiants à considérer l’architecture dans sa qualité de dispositif, de médium, de fiction, de terrain et d’instrument ou rapport de pouvoir. Elle les invite à la prise de risque, à parcourir des terrains à contre‐courant, à suivre des bifurcations de pensée, à interroger positions et oppositions, à déceler entre enjeux d’actualité et effets de mode, à comprendre en profondeur des concepts qui agitent et tiraillent notre société : crise, lutte, conflit. L’exploration de tous ces positionnements appelle les étudiants à envisager des pratiques possibles de l’architecture.
La présentation :
Les enseignants du DE
Les enseignements du DE
Le séminaire
Sous le label de “CRISE(s)”, le séminaire abordera des thématiques qui, à un premier regard, sont directement issues des questions urgentes qui interpellent et perturbent le monde actuel: les impasses de la communication/ la révolution/ les faillites/ les transgressions. En les considérant de plus près, et de manière plus analytique, tous ces termes s’avéreront constituer des points d’entrée complémentaires, qui définissent le monde en général, avec ses cyclicités successives, ses tensions et ses promesses. Ces termes s’ouvrent alors vers des problématiques plus complexes – des questions de langages (depuis la Tour de Babel jusqu’au numérique d’aujourd’hui)/ la volonté de rupture et le désir de renouveau/ les processus derrière la chute de système et le désapprentissage/ le refus de la norme, mais aussi de l’ordre. Ces thématiques formeront des modules qui se répèteront au fil du séminaire, afin de nuancer et d’approfondir leur compréhension. Tous les enseignants du domaine vont prendre part au séminaire, intervenant sur des questions de contenu et/ ou de méthode. Cette approche multi-vocal et pluridisciplinaire permettra aux étudiants de mieux réfléchir et développer leurs sujets de mémoire.
Les ateliers de projet
S7/S9
« Au théâtre : Transformer le Patrimoine 20e »
C’est autour d’un édifice culturel emblématique du patrimoine 20ème siècle que l’atelier de projet se déploie. Une architecture savante inscrite dans une histoire urbaine significative de la constitution des nations européennes, qui permettra des lectures plurielles, mais aussi une immersion simultanée dans la culture constructive de l’édifice, mises en perspectives. Le bâtiment référentiel proposé est le Teatro Regio de Carlo Mollino à Turin. Tels des détectives, le studio va découvrir le travail rusé de l’architecture savante, qui agit sur la matérialité de l’architecture afin d’activer le registre du double qui est celui du théâtre. Nous reviendrons sur ce qui est l’essence d’un théâtre, de ce que signifie faire théâtre aujourd’hui. La physicalité des espaces du théâtre trouve sa contrepartie dans l’expérience sensible que le public fait lorsqu’il est transporté par l’action du théâtre, en suspens dans le temps. L’action sur scène est elle aussi mise en énergie par l’espace dans lequel elle se situe. Il nous appartiendra ainsi d’identifier ces dispositifs construits mais aussi leurs spectres temporaires et ambiants. La mise à jour des conforts de cet édifice du patrimoine 20ème pourra concerner tant les spectateurs que ceux qui travaillent au théâtre, mais aussi les usagers de la ville. Nous aborderons ces questions tant du point de vue de l’économie du projet que de sa puissance plastique.
« Architectures de la foule »
Entre la place publique, l’agora et les grands espaces communs couverts comme les théâtres, les bains, les grands bazars, les bibliothèques ou les usines, l’architecture de la foule est un type qui reste à inventer. La méthode de conception ne présuppose aucun programme de départ. A partir de références textuelles, iconographiques et filmographiques, autant que d’exemples architecturaux, les étudiant.e.s devront construire leur projet autour de scénarios problématisant la notion de foule. La proposition architecturale sera dans un premier temps pensée hors sol, afin de formaliser une version idéale de l’architecture de foule. Dans un second temps, il s’agira de restituer cette proposition dans un site réel, au sein de la ville européenne qui aurait fait l’objet d’un voyage d’étude en début de semestre. Un des enjeux pédagogiques du studio est de développer un mode expérimental de représentation : comment représenter une architecture de la foule, une architecture dont les formes, les limites et les spatialités ne sont jamais entièrement figées ? Comment représenter une architecture qui se transforme au rythme de ses occupations et usages ? Pour représenter cette labilité de l’architecture, nous proposons de donner une place importante au médium de la vidéo. Celle-ci permet d’intégrer les différentes temporalités de l’architecture, les dessins et les maquettes devenant les supports essentiels sur lesquels se construisent les films.
S8/S10
Les étudiant.e.s en S8 et S10 seront invité.e.s à travailler dans un même espace temps d’atelier, tout en se focalisant sur des objets différents, avec des modalités pédagogiques distinctes.
S8
L’atelier S8 regroupe deux approches complémentaires mettant l’accent sur les outils conceptuels, graphiques et plastiques du projet. La thématique commune aux deux approches est le « faire » : la production collective d’objet(s) au service du futur PFE.
Outil 1 – Salon urbain : la thématique du studio envisage l’espace public comme un territoire d’expérimentations. Les projets s’inscrivent dans le principe d’une narration et aboutissent à la réalisation d’un livret éditable.
Outil 2 – Contentions, cassettes physiques et capsules web : A travers un projet dont la thématique explore la notion d’espace contenu, l’objet préparatoire au PFE est la confection de supports physiques pour productions de petites tailles d’une part et le développement de supports dématérialisés d’autre part.
PFE
Le projet de PFE, ainsi amorcé en S8 par ses outils, sera problématisé en S9, en cours d’approfondissement de théorie de projet (voir le volet « approfondissements »). En S10, il est encadré collégialement par les enseignants du DE. Pour ce faire, des séances communes sont sanctuarisées au cours du semestre. Parallèlement à ces séances de critiques communes, chaque projet d’étudiant.e.s sera individuellement encadré par deux directeur.e.s d’étude.
La thématique commune de “fictions architecturales” est proposée comme une manière d’assumer le caractère non-réel du PFE. Nous envisageons le projet d’architecture comme un cadre spéculatif, plutôt que la réponse à une commande hypothétique. La fiction devient alors le moyen privilégié pour remettre en question le réel en tant que fait entendu et attendu. Elle opère un déplacement pour modifier le regard que l’on porte sur le réel. Elle encourage à complexifier notre appréhension des réalités psychologiques, culturelles ou sociales. Elle n’équivaut pourtant pas à une échappée dans la fantaisie qui se détacherait volontairement de tout principe de réalité. Au contraire, elle vise à interroger l’actualité de la production architecturale et, dans les meilleurs de cas, à se donner les outils pour la modifier. Pour cela, elle doit se construire rigoureusement à partir d’intentions claires et des conditions de réalité énoncées en amont, avec une narration précise qui s’inscrit dans le temps et dans l’espace, ainsi qu’un protocole qui en définit les langages, les formes et les matériaux. L’enjeu premier de la fiction architecturale est de s’emparer du contemporain en tant que chose à (faire) advenir, que celle-ci provienne du passé, comme un autre déroulement possible de l’histoire, du présent, comme une expression alternative des forces actuelles, ou d’un futur anticipé à partir d’un présent jugé inactuel.
Les approfondissements
S7/S9
« THÉORIE DU PROJET »
Encadré collégialement par les enseignant.e.s TPCAU (avec des interventions ponctuelles des autres enseignant.e.s du domaine), cet approfondissement est pensé comme le cadre de théorisation du projet. Pour les étudiant.e.s en semestre 7, il vient en parallèle des deux ateliers de projet du domaine, et permet des exposés pouvant intéresser les deux enseignements. Pour les étudiant.e.s en semestre 9, l’approfondissement est le cadre de problématisation et de préfiguration du PFE qui se déroulera en semestre 10. Les cours seront à la fois thématiques et méthodologiques. Ils permettront à chaque enseignant.e de développer une démarche et un contenu en lien avec les enseignements de projet et de PFE du domaine.
“INTÉRIEUR(s). POLITIQUES DE L’ESPACE”
Cet enseignement en histoire de l’architecture se propose de regarder derrière les façades – qui très souvent intéressent presque exclusivement la discipline – et de s’intéresser à la question d’intériorité de l’architecture. L’intérieur sera ainsi analysé, adoptant une lecture théorique (et critique) à la fois en tant qu’abri – lieu premier de l’architecture – etui, interface (avec l’extérieur), lieu d’intimité, d’introspection et de secrets (par rapport à la sphère publique), espace genré (et ritualisé). Tous ces éléments permettront d’explorer cette face souvent cachée de l’architecture, que nous avons tous autrement découvert lors des confinements successifs de ces années de pandémie, afin de comprendre comment elle est pensée, comment elle est vécue, quelles sont les politiques de l’espace qui entrent ainsi en jeu. A côté des sources traditionnelles, cet enseignement mobilisera de manière appuyée le cinéma, l’art et la littérature.
S8
« DONNER DE LA VOIX : GRONDEMENTS (PROPAGER, RECEVOIR) » / EUR-CAPS
Donner de la voix : un bruit sourd, un murmure, un grondement… le son au lointain. La parole dans l’espace public devrait-elle dire quelque chose de compréhensible ou la manière de ne rien dire pourrait-elle suffisamment exprimer ? Cet atelier se frottera aux parois de la ville, aux autres corps, aux notions de passage à l’acte, à la poésie-action et à la prise de parole. L’accent sera moins porté sur le message (dont il sera pourtant fait une analyse) que sur la façon de le produire : un corps, une voix, une posture. L’espace public est entendu comme lieu d’intervention. Entre pensée et acte, quel passage ? Doit-on applaudir quelque chose ou quelqu’un, ou célébrer l’absence d’un événement qui n’a pas eu lieu ? La notion de collectif se manifeste d’emblée. Imaginons une foule lointaine dont nous parviendrait seulement, au travers des rues, la puissance sans le sens de la revendication. Entre intuition et raison, quelle implication ? Entre émotion et bien commun, quoi se permettre ? À qui vous adressez-vous ? Comment s’adresser à un inconnu et pourquoi s’adresser à cette personne ? S’établiront des partitions à mettre en œuvre, des écritures à propager. Quel bruit sera rendu public ?