Les 6 éléments de l’architecture
Par Richard Scoffier
“A l’occasion de cette conférence inaugurale, je vais revenir sur 6 éléments de l’architecture. Des éléments qui correspondent à des principes fondamentaux de notre discipline et que je cite souvent dans mes cours. Mais je les commenterai cette fois en m’aidant de mes propres projets et de mes propres réalisations.
Je partirai du mur, du toit et du sol comme le fait Gottfried Semper et j’insisterai avec lui sur le rôle protecteur et presque maternel que doit assumer toute construction, avant même de se dresser pour porter. J’analyserai avec Alberti, la fenêtre qui cadre une partie de la réalité et qui comme une machine porte la vision à son paroxysme. Et je terminerai sur la structure et les volumes qui tracent d’autres lignes de fuite en m’aidant de Viollet-le-Duc et de Le Corbusier…”
Protéger :
Contrairement à la plupart des autres animaux l’homme naît sans défense : ni cornes, ni griffes, ni carapace… Et il a besoin de fabriquer des prothèses pour remédier aux défaillances naturelles de son corps. Des murs épais pour se défendre de ses prédateurs et ses ennemis, des toits pentus pour s’abriter du vent et des intempéries, un sol débarrassé de ses cailloux et de ses aspérités pour lui permettre de retrouver une relation sensuelle à la terre. Sans doute peut-on considérer l’acte fondamental de toute architecture comme la constitution d’une enveloppe protectrice capable de définir le milieu de synthèse le plus propice à notre développement et à notre épanouissement.
Mettre en correspondance :
Pour le quatrième élément nous ne suivrons pas Semper qui propose le foyer. Nous lui préférerons la fenêtre qui met les trois premiers en crise. Si mur, toit et sol définissent un dedans en opposition à un dehors, la fenêtre vient pondérer ce clivage en établissant des relations à travers les séparations qu’ils établissent. L’ensemble se constitue comme une véritable machine orthopédique qui nous aide à prendre conscience de nous-mêmes : en nous protégeant tout en nous en nous exposant de manière bénigne au monde extérieur.
Se dresser :
Bien sûr on peut aussi appréhender l’architecture à travers la notion de structure et penser que toute édification doit rappeler le moment inaugural où l’homme se détache du sol sur ses pattes arrière pour accomplir sa surrection. Comme si la tâche essentielle de l’architecture était de se dresser en montant toujours plus haut et en multipliant les porte-à-faux pour oublier les lois de la gravitation universelle comme un lanceur de dés cherche à abolir le hasard.
Accorder un souffle :
Enfin, plutôt que de composer des jeux corrects et magnifiques de volumes sous la lumière, l’architecte doit s’attacher à accorder une présence et même une vie à ses propres constructions. Comme le Rabbi Loew dans le mythe du Golem donne un souffle à un tas de glaise inerte. C’est l’étrange impression que l’on peut ressentir quand on se trouve face à des œuvres majeures de notre discipline, même les plus éloignées de tout organicisme, comme le Pavillon de Barcelone de Mies Van der Rohe, la Villa Savoye de Le Corbusier ou la Maison Latapie de Lacaton & Vassal…